Depuis Février 2020, Netflix a mis à disposition l’intégrale des 21 films d’animations produits par le studio Ghibli. Cette improbable association nous a permis de découvrir deux titres réservés jusqu’alors aux japonais : Souvenirs gouttes à gouttes et Je peux entendre l’océan. Dans mon inconscient le studio Ghibli a toujours rimé avec Hayao Miyazaki, mais avec ces deux films j’ai découvert que d’autres réalisateurs, connus et moins connus ont contribué à sa renommée. Celui qui nous concerne se nomme Tomomi Mochizuki. Ses premières réalisations sont les animes de Max et Compagnie et Ranma 1/2. Et il se voit confier la lourde responsabilité en 1993 de réaliser un téléfilm pour le studio. Lourde responsabilité car il en devient le seul autre réalisateur, en dehors des deux fondateurs Miyazaki et Takahata. Contrairement au consensus général, j’ai littéralement adoré ce téléfilm, et j’espère que mon avis vous donnera au moins l’envie de le regarder. Et peut-être même de le regarder encore une fois pour en saisir toutes les subtilités.
Première apparition en France
En arrivant sur notre territoire européen, Je peux entendre l’océan bénéficie d’un sous-titrage français qui nous permet enfin de le découvrir officiellement, mais surtout un doublage intégral. Je trouvais déjà étonnant que la plateforme de streaming l’amène chez nous, mais le doublage m’a encore plus surpris. Je m’attendais à un rush rapide pour sortir le film et attirer l’attention, mais c’est en bon français que j’ai pu le découvrir, et à un niveau auquel je ne l’attendais pas. L’image a également été retravaillée pour correspondre aux standards actuels de la haute définition. Je trouve que le géant américain, que je ne porte pas dans mon cœur habituellement, a fait un travail colossal pour un produit que je qualifierai encore de niche aujourd’hui, et vraiment je dis merci à Netflix.

Résumé et analyse de l’œuvre
Si je devais résumer rapidement le scénario, ce serait une tranche de vie lycéenne classique sur fond de triangle amoureux. Scénaristiquement parlant ça ne va vraiment pas plus loin, mais résumer Je peux entendre l’océan à cela ne lui rendrait évidemment pas honneur. Le développement des personnages et l’évolution de leur relation sont le cœur de l’intrigue, et le storytelling simple mais original permet à l’œuvre de se démarquer tout en évitant de tomber dans un classicisme qui lui aurait été fatal.
L’histoire se passe dans la ville de Kochi, sur la plus petite île du Japon. Elle met en scène la relation triangulaire entre les personnages principaux Taku Morisaki, Yutaka Matsuno et Rikako Muto. Si l’histoire se passe au lycée, Taku et Yutaka sont amis depuis le collège où ils se sont gentiment rebellés contre l’autorité professorale. De cet objectif commun est donc né leur amitié. Quant à Rikako, elle déménage de la mégalopole de Tokyo pour la ruralité de Kochi en plein milieu de l’année de première. Elle aura beaucoup de mal à s’adapter aux us et coutumes de cette province inconnu, et aura tendance à s’isoler rapidement des autres. Et c’est ce déséquilibre qui sera l’élément perturbateur de la relation entre Taku et Yutaka tout au long du récit.
Dès les premières scènes et malgré un budget limité, la qualité d’animation est au rendez-vous. Tomomi Mochizuki nous offre un sublime Japon des années 80 dans un rendu très réaliste. Il nous présente très rapidement les personnages principaux que sont Taku Morisaki et Yutaka Matsuno ainsi que l’arrivée de Rikako Muto dans leur lycée. Au travers d’un flashback qui durera quasiment tout le film, les relations entre le triangle amoureux vont évoluer pour un final dont je ne trouverais surement pas les mots tellement cela m’a touché. Ce qui brille le plus dans Je peux entendre l’océan n’est pas forcément ce qu’il se passe, mais comment cela nous est raconté. Le réalisateur nous impose régulièrement des scènes avec des plans fixes sur un fond blanc qui rétrécissent jusqu’à disparaître. Totalement désuets aux premiers abords, ils donnent un charme fou à cette œuvre décidément pas comme les autres. Ces plans sont souvent accompagnés d’une magnifique mélodie qui revient plusieurs fois dans des tonalités différentes. D’ailleurs la bande son est de très bonne facture, préférant jouer le minimalisme avec peu de notes et peu d’instruments, mais qui nous envoûte littéralement. Et c’est un sentiment qui ne nous quittera pas pendant les 72 courtes minutes du film.

Par trois fois ce dernier m’a surpris, et même ému. La séquence avec Taku et Yutaka dans la salle de classe avec leur regard vers le lointain, leur discussion sur la jetée et l’avant dernière scène qui propose un long travelling optique sur le château de Kochi sont pour moi les plus beaux moments du film, et resteront certainement pour toujours dans ma mémoire. Il résulte de ce genre de scène une sorte de calme immuable qui donne un rythme lent à l’histoire, presque contemplatif, mais qui mène à une fascination certaine. Cela tranche évidemment avec les œuvres de Miyazaki qui misent presque toujours sur le fantastique (même si je trouve ça génial dans Mon voisin Totoro ou Kiki la petite sorcière). On peut même dire qu’il rejoint plutôt les œuvres de Isao Takahata que j’ai mis longtemps à découvrir et qui me correspondent beaucoup plus.
Tout ceci est évidemment subjectif, et je pense que c’est le genre de film qu’il faut voir pour comprendre les émotions qu’il peut provoquer. Avec des sentiments simples comme l’amour et l’amitié, des scènes sans intensité particulière, où il ne se passe pas grand chose, et un triangle amoureux bien réalisé, le film nous embarque et nous fait aimé une tranche de vie bien connu des mangas : la période du lycée chez les adolescents japonais.
Je peux entendre l’océan…
J’espère que mon avis sur le film Je peux entendre l’océan vous donnera envie de le voir, car c’est vraiment une belle découverte pour moi. Peu connu dans le catalogue de Ghibli, c’est un téléfilm intelligent capable de nous garder accroché devant l’écran jusqu’à la dernière minute avec de petits moyens. Encore une fois, merci Netflix de nous l’avoir proposé en version française.